Objectifs, problématique

On assiste à phénomène inédit et paradoxal en Europe : les animaux forestiers débordent de leur habitat naturel pour coloniser les espaces périurbains et urbains. L’arrivée du sauvage en ville provoque des difficultés multiples sur la société urbaine. Les désagréments associés à la présence de cette vie sauvage préoccupent les pouvoirs publics et se transforment en franches inquiétudes lorsqu’il s’agit de sangliers ou de cervidés. Dans toutes les villes de Nouvelle Aquitaine et à Bordeaux en particulier, l’impératif de gestion pose un réel problème philosophique et politique. Les acteurs traditionnels de la gestion de la grande faune et les acteurs de la gestion urbaine véhiculent des représentations opposées et peinent à s’entendre : les premiers connaissent mal la ville et les seconds connaissent mal la grande faune. A l’idée de chasse de régulation s’opposent les solutions non létales ; en application du plan national de maîtrise du sanglier de 2009, l’injonction de l’administration préfectorale est à la destruction.

Médiatisé dans ce qu’il comporte de spectaculaire, le phénomène d’investissement du sauvage en ville est encore largement méconnu. Le programme de recherche vise à préciser la connaissance d’un problème complexe, à travers la constitution d’un socle de ressources communes (données scientifiques de première main, état de l’art, ateliers d’échange, etc.) qui participe à la mise en relation des acteurs régionaux et ouvre à des perspectives opérationnelles.

Méthode

Nous introduisons dans l’échange les données issues d’un programme de suivi télémétrique des sangliers (fédérations régionale de chasse et UMR Passages, 2018-2022). La géographie numérique devrait permettre de poursuivre la construction des micro-paysages du sanglier et de les donner à comprendre dans le cadre des projets d’urbanisme et de paysage urbain.

Nous expérimentons des méthodes de co-construction du problème entre les acteurs permettant l’expression d’une parole détachée des charges idéologiques qui constituent un frein régulièrement dénoncé aux initiatives de gestion. Le projet propose d’instituer un espace d’échange propice au partage d’expérience, à l’intégration des multiples temporalités inhérentes au phénomène, ainsi qu’à la constitution d’un vocabulaire partagé. Sont ici en jeu l’intercompréhension des participants au projet ainsi qu’une réflexion globale relative aux positionnements idéologiques et éthiques.

La recherche est aussi alimentée par des enquêtes quantitatives et qualitatives menées auprès des acteurs cynégétiques, élus, habitants, chasseurs, associations, gestionnaires d’aires protégées, administration. Nous déployons ces enquêtes dans des territoires différemment affectés par les processus de métropolisation et d’urbanisation, du cœur de la métropole bordelaise à la côte atlantique, du cœur des villes moyennes à l’extrémités des communes constituant leur aire urbaine par exemple. Nous proposons ainsi une analyse multiscalaire au sein de laquelle les comparaisons régionale, nationale et internationale seront mobilisées, afin de questionner l’hypothèse d’un gradient géographique de représentations de la nature, du sauvage et de sa place, des usages et des pratiques.

Terrains de recherche

Bordeaux métropole, Limoges, Poitiers, les villes de la Région Nouvelle Aquitaine qui souhaiteront s’associer au projet ; Strasbourg ; d’autres villes françaises d’un réseau à constituer ; Genève, Berlin, Barcelone.